
Un agenda pour un futur numérique et écologique
La transition écologique est l’horizon indispensable de nos sociétés, la transition numérique la grande force transformatrice de notre époque. La première connaît sa destination mais peine à dessiner son chemin ; la seconde est notre quotidien, une force permanente de changement mais qui ne poursuit pas d’objectif collectif particulier. L’une a le but, l’autre le chemin : chacune des deux transitions a besoin de l’autre !
Porté par la Fing avec l’ADEME, l’Iddri, Inria, GreenIT.fr, le Conseil National du Numérique, Explor’ables et d’autres, le programme Transitions² s’est donné pour ambition :
- D’explorer les pistes nouvelles qu’ouvre la convergence entre numérique et écologie – sans en occulter les risques
- De donner un sens à la transition numérique, en la confrontant aux défis écologiques ;
- De décloisonner les communautés d’acteurs issus respectivement de l’écologie et du numérique et d’engager des actions concrètes qui les rapprochent.
L’agenda pour un futur numérique et écologique (116 pages) rassemble et synthétise la richesse de 3 ans de travaux. Il s’organise en 20 « défis » :
1- La technologie n’apporte pas de solutions, mais les solutions peuvent produire des technologies
Il est pratique de considérer la question écologique comme un ensemble de “défis”, problèmes ou objectifs, qu’il suffirait d’analyser un par un pour y proposer des “solutions” : c’est un rêve d’ingénieurs, à la source d’une multitude d’initiatives bien intentionnées qui mobilisent les technologies (notamment numériques) pour “répondre aux grands défis de l’humanité”. Le numérique est généralement l’infrastructure de mesure et de calcul de ces actions.
D’une part, il s’agit d’une manière singulièrement étroite de considérer le numérique. Mais surtout, la question écologique est systémique, les “problèmes” sont inextricablement reliés les uns aux autres et ne peuvent pas se traiter séparément.
Si le numérique doit aider à répondre à la crise (au sens de métamorphose) écologique, ce doit être en soutenant d’autres modèles de développement, d’autres formes de production, d’échange et de consommation.
- Défi n°6 : Les imaginaires comme chemins de la transition
- Défi n°7 : Construire une feuille de route de la ville durable et intelligente
- Défi n°8 : Une “Industrie du futur” qui prend l’environnement au sérieux
2- La force transformationnelle du numérique n’est pas dans le calcul, mais dans l’action collective
Les dispositifs citoyens de mesure de la qualité de l’air (via des capteurs à bas coûts) ne changent les comportement que s’ils mobilisent ensemble des collectifs d’habitants d’un quartier ou d’un immeuble, de collègues, de parents. Les “data” sont une source majeure de création de connaissance, mais leur usage dans les organisations produit aussi du décloisonnement et contribue à “casser les silos”. Les mobilités durables sont d’abord une affaire de gouvernance, d’orchestration d’une multitude d’initiatives innovantes et de nouvelles formes de partenariat et de collaboration entre acteurs privés et publics.
La principale force du numérique au service de la transition écologique n’est pas à chercher du côté du calcul, mais de celui du partage, de la collaboration et du lien social. C’est du côté des approches collectives qu’il sera le plus à même de proposer des leviers de transformation.
D’autre part, une “culture commune” des enjeux numériques et environnementaux est plus que jamais nécessaire. Le numérique est source de renouvellement d’imaginaires, il sait organiser la collaboration et parfois le passage à l’échelle ; l’écologie sait donner un but à l’innovation, tenir compte des “effets rebond”, pense en systèmes. Cette dimension culturelle – apprendre les uns des autres et produire de nouvelles synthèses – constitue un préalable indispensable à toute démarche qui voudrait tirer partie de l’un et de l’autre.
- Défi n°3 : Le numérique pour une approche collective des mobilités durables
- Défi n°4 : Mettre les « data » au service d’impacts environnementaux
- Défi n°5 : Une mesure distribuée de la qualité de l’air
- Défi n°9 : Le numérique au service des politiques environnementales locales
- Défi n°10 : Des stratégies de lieux partagés
3- Le numérique collaboratif et l’écologie démocratique ont partie liée, mais ils ne le savent pas encore assez
Les modèles issus du numérique (Open, agiles, distribués, collaboratifs, etc.) ont démontré du potentiel de transformation dans toutes sortes de domaines, mais leurs apports aux questions écologiques n’ont rien d’évident. Ils restent des modèles : si on ne leur insuffle pas une vraie intention écologique, un objectif, les résultats ne suivront pas. Les promesses déçues de l’économie collaborative sont là pour nous le rappeler.
De même, toutes les civic tech du monde ne suffiront pas faire émerger une “démocratie écologique”, si les citoyens et les institutions politiques (formelles ou informelles) ne sont pas habités par cet enjeu.
Un rapprochement stratégique entre les acteurs de l’écologie, ceux de l’innovation publique et démocratique (numérique ou non), et ceux du numérique collaboratif, ouvrirait de nouvelles perspectives en vue de l’émergence d’une écologie non technicienne, à la fois quotidienne et politique.
- Défi n°11 : Les “modèles ouverts” au service de la transition écologique
- Défi n°13 : Relier numérique et low tech
- Défi n°14 : Mobiliser le numérique au service d’une “démocratie écologique”
- Défi n°15 : Une seconde vie pour les “Communs” de l’écologie
- Défi n°17 : Les apports du numérique à l’agriculture, l’agroécologie et la permaculture
- Défi n°19 : Vers l’internet de l’énergie
4- L’innovation ne jouera un rôle positif dans la transition écologique qu’en se focalisant sur son impact autant que sur son modèle économique
Pour réaliser la transition écologique, nous avons besoin d’innovation, mais pas de n’importe quelle innovation : des projets qui visent des impacts environnementaux ambitieux, explicites et crédibles, qui s’intéressent à ses impacts sur d’autres secteurs et acteurs – et surtout qui se donnent les moyens de vérifier qu’ils seront atteints, ce qui est encore trop peu le cas aujourd’hui.
D’autre part, l’innovation ne jouera un rôle écologique positif que si le système d’innovation – l’ensemble des méthodes, des institutions et des dispositifs financiers qui rendent possible, légitiment, sélectionnent des propositions innovantes – évolue pour donner autant d’importance à l’impact des projets (écologique et social, positif et négatif) qu’à la création de valeur économique.
Mieux relier le modèle d’affaire d’une innovation à son modèle d’impact, accompagner et soutenir les innovateurs qui s’en donneront la peine : c’est à cette double condition que l’innovation pourra réellement tenir ses promesses.
- Défi n°2 : Orienter l’innovation vers la recherche d’impacts majeurs
5- Le numérique et son industrie doivent montrer la voie
“L’IT for Green n’est pas une excuse pour délaisser le Green IT”. Ou dit autrement : le secteur du numérique doit reconsidérer sa propre empreinte écologique (qui est massive) avant de prétendre outiller des démarches, des modèles, des collectifs… L’industrie du numérique et ses utilisateurs devraient être les têtes de pont de l’économie circulaire, en proposant des produits éco-responsables, modulaires, réparables, recyclables et surtout, d’une durée de vie plus longue ; et des services clairement pensés dans un esprit de frugalité (en ressources informatiques et réseau, mais aussi en termes de temps et d’attention).
Un agenda du numérique au service d’une question environnementale devra ainsi porter attention à un numérique « écologique by design ». Le numérique devra aussi revoir plus largement ses modes de conception : éclairer plutôt qu’opacifier la prise de décision, chercher à fluidifier l’attention plutôt que l’instrumentaliser, distribuer du pouvoir d’agir plutôt que prescrire,… Le numérique a besoin d’un « RESET » : reconsidérer sa contribution à la transition écologique est l’occasion rêvée pour engager sa mue !
- Défi n°1 : Un numérique “écologique by design”
- Défi n°16 : Une culture commune du numérique et de l’écologie au service des ODD
- Défi n°20 : Contre l’effondrement